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Pierre Soulages La dichotomie artistique des oeuvres « d'Outrenoir »

Dernière mise à jour : 30 mai 2018

Une forme expressive forte sous fond de désir d'émancipation


Pierre Soulages voit le jour à la fin de la Première Guerre Mondiale le 24 décembre 1919 à Rodez. Il passa son enfance dans une rue chahutée où les services publics voisinent de manière improbable, une prison jouxtait un hôpital. Derrière sa rue, se trouve des artisans que Pierre Soulages, jeune épris de liberté, bouda, car ils sont trop engagés dans des codages de leur savoir, et cela restreint leur champ de liberté d'après lui. Derrière l’artiste que l’on qualifie d’abstrait, se pose fièrement un homme libre, qui n’hésita pas à se raconter lors de documentaires lui étant consacrés.


De mon point de vue, l’engagement de sa personnalité ou d’une partie de celle-ci, est constitutif du processus de création de son œuvre. Celle-ci n’est que le témoignage d’une sensibilité et d’une singularité qui le dépasse quelquefois. Il dit lui-même à Jean-Noël Cristiani*, qu’il ne comprend pas pourquoi peut-il être transcendé aussi profondément par une œuvre qu’il est en train d’admirer.


Description


Son œuvre est unique, une succession de panneaux noires, tantôt de couleurs bleues ou rouges. Les tableaux « d’outrenoirs » sont les plus connus. Ce sont objectivement des tableaux peints, avec une grande quantité de peinture de couleur noir d’ivoire. L’artiste lui, ne semble pas être réceptif à une telle définition. La lumière est la seule motivation de sa démarche artistique. Obsédé par celle-ci, les couleurs ne la contiennent pas. Il se sert de la couleur noir et du travail de la peinture, pour apporter, capter et refléter la lumière.


Explications


La peinture noire est collectée en grand quantité et jetée sur le support lui-même à plat sur le sol. S’appuyant sur ce qu’il appelle « le pont », l’artiste travaille la matière avec des outils qu’il confectionna lui-même, à partir de matières comme le carton. Cette décision est motivée par « l’inspiration du moment ». En bon esprit affranchi, il se méfie des outils du commerce car ils ont une utilité prédéfinie. Le travail de la peinture, laisse apparaître sur les tableaux, des surfaces striées, raclées ou parfaitement lissées de toutes largeurs. Ces effets sont souvent l’œuvre d’un concours de circonstance. La démarche pour les produire est improvisée, et le mène là où il souhaite aller « c’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche »*. Cette improvisation heureuse représente son génie créatif, il est inaliénable, c’est le fait de produire quelque chose de merveilleux à partir de très peu.


Cette structuration du tableau lui permet de s’approprier la lumière, elle est stockée, et

« reflétée par ces états de surfaces noires »*. Les tableaux sont rythmés par un jeu de surface qui redistribue subtilement la lumière. Elle est ainsi sujette à l’appréciation de l’œil et joue de la sensibilité du spectateur. Pour Pierre Soulages, « Outrenoir » est un « autre champ atteint par la couleur noir ». C’est là où la lumière est distribuée avec élégance, esthétisme, et folie. C’est une fête pour l’œil, tantôt vive et agitée, tantôt sobre et réservée, elle en reste pas moins captivante, passionnante et pénétrable.


« L’espace extérieur ne fait que perturber, ce qui importe c’est l’espace intérieur » Pierre Soulages*

L’homme


Derrière l’artiste, se raconte un homme qui n’a eu de cesse d’éplucher les fioritures, pour la recherche d’une certaine sobriété esthétique, et d’un certain calme afin de se réaliser.

Peignant en solitaire, il se coupe du monde dans son atelier à Sète.

Il faut se représenter le décor...

Une maison contemporaine dominante vue mer avec son atelier attenant dessiné par l’artiste. Organisé en vastes espaces clairs, une reposante vue mer est suggérée par un mur entier monté en baie vitrée. Pierre Soulages recouvra la vitre par un store noir. Pour jouir pleinement de son génie, il a besoin d’être entièrement seul sans contact avec l’extérieur, afin d’être connecté à lui-même.

Considérant que l’introspection fait la différence chez les individus, et que la richesse est avant tout intérieure, cette idée me parle...



« J'aime les déserts, les étendues nues, [...] comme j'aime le silence. » Pierre Soulages*

En tant que solitaire, Pierre Soulages ne se réalise pas dans le groupe. En tant qu’homme libre, il apprécie les étendues nues, le paysage avec vue dégagée, le dénuement des espaces. Ces œuvres sont à mon avis à apprécier au regard de cette philosophie. Elles sont singulières, étendues, de couleur sombre mais de façon contradictoire très lumineuses.

Ce qui importe à mon sens, c’est plus la démarche artistique qui accuse la personnalité de l’artiste, l’œuvre n’étant que le résultat conjoncturel de celle-ci. Cette liberté de faire est inaliénable et le distingue des autres artistes dans sa singularité profonde. Un artiste du Sud de la France pas comme les autres...


Oriane Inès



* Pour en savoir plus :

  • CRISTIANI Jean-Noël, Soulages, le noir et la lumière, 2008

  • http://www.pierre-soulages.com/
















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